Le BSS ou Bose Suspension System, une suspension active électromagnétique

Créé le : 03/08/2009

UNE RECHERCHE QUI VIENT D'ABOUTIR Commencée en 1980, il y a donc 24 ans, la recherche sur une suspension active électromagnétique menée en grand secret par la société Bose vient d'aboutir en septembre 2004 par la présentation aux USA d'une Lexus LS 400 Sedan (1994) équipée d'un tel dispositif qui permet selon ses créateurs d'obtenir le confort d'une limousine tout en proposant la pilotabilité d'un coupé sport. Les démonstrations effectuées devant des journalistes, et dont certains extraits vidéo sont visibles sur le site du constructeur http://www.bose.com, sont tout bonnement époustouflants. Avec le BSS en action .le dévers en virage est totalement annulé (véhicule de droite) Il amortit considérablement les mouvements basse fréquence (véhicule du bas) LA TECHNOLOGIE BSS La technologie révélée récemment par Bose repose sur des effecteurs électromagnétiques pilotés par un ordinateur prenant en compte les données de nombreux capteurs placés sur le véhicule. Les avantages du dispositif sont les suivants : un suivi parfait des déformations de la route, un contrôle du dévers en virage ainsi qu'en freinage. Pour y parvenir les effecteurs remontent le niveau des roues lorsqu'une bosse (bump) est abordée et descend ce niveau dés lors qu'un « nid de poule » (pot hole) est rencontré, le tout en « temps réel ». Parallèlement un réglage continue de la garde au sol permet de compenser le transfert de charge qui apparaît en virage où lors d'un freinage. Ainsi, en terrain accidenté les roues « bougent » sans que les occupants du véhicule ne ressentent quoi que ce soit et en virage comme en freinage le véhicule reste « à plat » sans intervention du conducteur. Le système pèse 200 livres (~ 100 Kg) ce qui est assez lourd mais non prohibitif pour une limousine (~ 5% de la masse totale). Il est alimenté sous 12 Volts pour une consommation étonnement faible (<3000 W). L'ensemble du dispositif proposé par Bose est constitué des éléments suivants : DES CAPTEURS Aucune donnée n'est connue pour l'instant sur ces derniers. Leur type n'est cependant certainement pas déterminant et il semble qu'ils aient été placés dans les roues du véhicule laissant à penser qu'il mesurent la position des roues par rapport au châssis (hauteur ou vitesse ou accélération verticale). UN EFFECTEUR LEM PAR ROUE Sur chaque bras de suspension le dispositif BSS est constitué d'un moteur linéaire (LEM, Linear Electromagnetic Motor) complété d'un amortisseur associé à une barres de torsion assurant la compensation du poids du véhicule à l'arrêt. Le dispositif est répertorié dans la littérature comme étant du type MacPherson, mais il s'agit certainement là de l'ensemble des bras d'origine de la Lexus. Les effecteurs LEM sont constitués d'enroulement entourant une partie centrale munie d'aimants permanents de nature non divulguée. Leur course es de 8'' ~ 20 cm. Ensemble de deux effecteurs (cylindre noir) muni de barres de torsions UN AMPLIFICATEUR DE PUISSANCE PAR ROUE L'innovation majeure du BSS réside ici. La société Bose revendique en effet l'usage d'un système asservi alimenté par un amplificateur de puissance fonctionnant en mode commuté (Switch mode) qui a chaque débattement de roue est capable d'accumuler l'énergie et de la restituer tout en assurant la dissipation nécessaire à l'amortissement. il en résulterait une puissance consommée relativement faiblepour le système : environ 1/3 de la puissance d'une climatisation. UN ORDINATEUR ET SES ALGORITHMES DE CONTROLE Le rôle des algorithmes développés par Bose est de permettre un filtrage des mouvements et vibrations générés par les défauts de la route tout en autorisant des corrections d'assiette dans les virages et lors de décélérations. Le calculateur fournis en information par les capteurs de roues actionne alors quatre amplis de puissance, un par LEM. L'ordinateur est équipé d'un Pentium III d'Intel cadencé à 750 MHz. UNE ALIMENTATION Le système BSS est alimenté par un alternateur dédié mu par courroie, lequel délivre une tension de 12 Volts. L'arrivée du 4 8 Volt pourrait être un plus pour ce type d'alimentation. UN AMORTISSEUR Le dispositif Bose fait appel à un système amortisseur « en parallèle » contenu dans les roues. On peut penser que la présence de ce dispositif trahit d'une certaine manière la faible performance du système à haute fréquence. L'ensemble du dispositif BSS a fait l'objet de brevets déposés récemment et dont l'extension pour l'Europe date du 28 juillet 2004 (brevet EP 14 40826). LA PHYSIQUE DERRIERE LE BSS Bose est une société qui a acquis dans les années 60 et 70 une notoriété certaine dans le domaine des enceintes acoustiques et des amplificateurs audio à transistors. On se s'attendait donc pas à la voir envahir le domaine automobile au travers des suspensions. Deux raisons pourtant ont conduit à cela : d'une part Bose est très présent dans le secteur automobile grâce à ses équipements audio pour voitures. D'autre part le fonctionnement d'une suspension active est très similaire du point de vue des équations à l'asservissement actif des casques d'insonorisation que produit Bose. Les connaissances des dispositifs électromagnétiques et des équations d'acoustique prédisposait donc les ingénieurs de Bose à la recherche d'une troisième voie « électromagnétique » pour les suspensions permettant des temps de réaction plus courts qu'avec les technologies hydrauliques ou en pneumatiques. Cette voie n'a pu être ouverte que grâce à une maîtrise des amplificateurs de puissance pour l'acoustique. L'AMPLIFICATEUR LINEAIRE EN MODE COMMUTE (SWITCH MODE) Dans les années 60 la recherche en électronique s'est focalisée sur les amplificateurs linéaires à transistors. Le but de cette recherche était notamment l'amplification des signaux audio sur les lignes téléphoniques à partir de relais à faible consommation. A cette époque l'amplification linéaire posait toutefois des problèmes de consommation et de surchauffe dans le cas des amplis de puissances nécessaires à la sonorisation des auditoriums (1000 à 10 000 W). En effet, dans un amplificateur linéaire le composant de base est le transistor bipolaire dont le courant de sortie est proportionnel au courant d'entrée (courant de base). La puissance délivrée en alternatif est alors P~ I.V/4 où I et V sont les courants de sortie et la tension de polarisation du transistor, alors que la puissance apportée est par définition P~IV, d'où une puissance utile d'1/4 et une perte thermique de 3/4 de la puissance dans le transistor. Même avec une configuration Push Pull qui double la puissance disponible, la puissance de sortie ne peut excéder 50% de la puissance injectée d'où 50% de pertes thermiques qu'il convient d'évacuer. Les ingénieurs observèrent alors que lorsque le courant de sortie est nul la tension de sortie est maximale (d'où une puissance dissipée nulle) tandis que lorsque le courant de sortie est maximal la tension de sortie s'effondre (d'où à nouveau une puissance dissipée nulle). Aussi pour réduire les pertes sur un signal périodique il décidèrent de travailler avec un signal carré afin de basculer alternativement le transistor dans un mode de fonctionnement à faible perte (mode commuté ou Switch mode ou encore Switching). L'amplificateur en mode commuté était né. C'est sur cette base que se sont développé dans les années 60 les recherches du Docteur Amar Bose, conduisant à des amplificateurs audio de puissance à transistor. Un autre volet de recherche sera la réalisation de transducteurs permettant la parfaite restitution des sons dans une large bande de fréquence (0 à 4000 Hz). Bose avait donc dés les années 60 les ingrédients pour développer sa suspension. Les recherches sur ce thème on commencé en 1980. Pour réaliser sa suspension le Docteur Bose a du développer l'amplificateur, les algorithmes et les effecteurs. Il a par contre parié sur la loi de Moore pour l'amélioration de la puissance de calcul et il est vrai que les microprocesseurs et les microcontrôleurs sont aujourd'hui largement surdimensionnés pour réaliser le travail qui leur est demandé. En mode commuté l'amplificateur linéaire à transistor bipolaire ne consomme que dans la phase transitoire LES LIMITES DU BSS Le BSS repose donc sur le cumul de 4 technologies :  l'effecteur (LEM),  l'amplificateur,  l'ordinateur de contrôle  et l'algorithme de calcul alimenté par les données échantillonnées des capteurs. La fréquence de fonctionnement de l'ordinateur (750 Mhz), les temps de réponse classiques des capteurs (<1ms) et la capacité des amplificateurs issus de l'acoustique (0- 4000 Hz) laissent à penser qu'à priori il n'existe pas de problème majeur pour asservir le dispositif à des fréquences comprises entre quelques Hertz et 1000 Hz (soit l'absorption d'ondulations aussi petites que 6,6 cm de longueur d'onde à 120 Km/H [  = 2 x 33m/s / 1000 ]). Il n'en est rien car c'est la capacité de l'amplificateur à délivrer une grande puissance dans l'effecteur (transducteur) à haute fréquence qui détermine en fait les limites du dispositif. Les caractéristiques fréquencielles aussi bonnes soient-elles n'étant pas mises à disposition (mais on peut se douter que la puissance mécanique délivrée s'effondre à hautes fréquences) il est néanmoins possible de réaliser une calcul approximatif sur la base des données de consommation fournies. Ce calcul (disponible dans une annexe sur demande) conduit aux résultats suivants : Pour h = 20 cm : 2500 . 0,2 / 1000 = 0,5 s = t soit encore  = 30 m à 120 Km/H ou  = 3 m à 12 Km/H Pour h = 2 mm 0,005 s = t  = 3 cm à 120 Km/H Donc pour des vitesses lentes (12KM/H) on pourrait avoir compensation totale d'ondulations de 20 cm de haut et de 3 mètres de longueur d'onde et pour des vitesses plus élevées (120 Km/H) on pourrait amortir les vibrations de micro défauts de 3 cm de longueur d'onde si tant est qu'ils ne dépassent pas le millimètre d'épaisseur (soit encore une fréquence limitée à 200 Hz), les détails plus fins et donc les fréquences les plus hautes devant être absorbés par les pneus et l'amortisseur. On le voit le résultat haute fréquence n'est pas extraordinaire puisqu'il se limite à 200 Hz mais le résultat basse fréquence est intéressant et compatible avec l'étonnant film disponible sur le site Web de Bose (http://www.bose.com) où l'on voit la Lexus équipée du BSS franchir sans effet majeur au ralenti 4 dos d'âne d'une bonne vingtaine de centimètres de hauteur sur une longueur de 10 mètres en 3 secondes, soit une parfaite compensation d'ondulations  = 3 m à une vitesse de 12 Km/H, ce que prévoit bien notre calcul. A noter que la limite haute fréquence que nous estimons de l'ordre de 200 Hz (soit un t de 0,005 s) est déjà bien supérieure à la valeur donnée par la littérature pour le temps de réponse du dispositif Bose (50 ms). Pour des fréquences supérieures à 200 Hz selon notre calcul (et 20 Hz selon les données de la littérature) l'amplitude des oscillations compensables s'effondre vraisemblablement et l'on trouve certainement là l'origine de l'amortisseur monté par Bose en parallèle à son dispositif. BSS en action sur un terrain ondulé. Le véhicule de gauche est soumis à un iportant roulis, tandis que celui de droite équipé du BSS ne subit aucun mouvement de caisse, alors que ses roues effectuent de rapides mouvements verticaux (cf site web) LES TECHNOLOGIES CONCURRENTES Clairement aucun constructeur d'automobile ne propose actuellement de suspensions actives électromagnétiques. De nombreuses autres solutions sont cependant disponibles chez divers fournisseurs et constructeurs, faisant pour certains appel à l'hydraulique (Mercedes et Citroën) et pour d'autre à l'arrivée des amortisseurs à fluides magnéto-rhéologiques (Delphi, Carrera)… Toutefois, Renault et BMW ont très récemment breveté des dispositifs, électromagnétique dans le cas de BMW, peut-être en réponse à la proposition technologique de Bose (FR 2840257 du 05 12 2003 pour Renault et WO2004071793 du 26 08 2004 pour BMW). LA SOCIETE BOSE Le groupe Bose, spécialisé dans le son, a été créé en 1964 par Amar Bose, un scientifique d'origine indienne, docteur en ingénierie électrique du MIT (Massachusetts Institute of Technology), sur la base d'une exploitation de brevets dont le MIT ne faisait pas usage. En 1968 le groupe commercialise les enceintes 901 qui restent aujourd'hui une référence. Depuis le groupe s'est diversifié vers le haut de gamme grand public : micro chaînes, autoradios, enceintes acoustiques... Côté technologies de pointe le groupe n'est pas en reste : baffles à rétroaction, casques d'insonorisation active... Parmi les clients les forces armées et la Nasa. CA de 1,7 bd $ en 2003, usines aux USA et en Irlande. L'entreprise n'a jamais accordé la moindre licence d'exploitation afin de conserver son leadership. Professeur au MIT de 1956 à 2001 Amar Bose a recruté nombre des 800 membres de son personnel de recherche au sein de cette institution. L'entreprise qui n'est pas cotée en bourse, le fondateur considérant que « la bourse oblige à réfléchir à court terme, ce qui est catastrophique à long terme » compte au total 8500 personnes et investirait 100% de ses bénéfices dans la recherche. Le siège dit « The Mountain » est à Framingham, Massachusetts, non loin du célèbre MIT. A 75 ans Amar Bose est Président et reste proche de la recherche. Le projet de suspension a été tenu secret pendant 24 ans sous l'appellation « Sound research », soit encore recherche sur le son, mais aussi « recherche pertinente ». LES POTENTIALITES DE COMMERCIALISATION Bose est à la recherche d'un constructeur unique qui voudrait bien installer cette technologie. Le futur partenaire pourrait être désigné sous 6 mois. Cette technologie qui est reconnue par les spécialistes comme « la première avancée majeure depuis l'invention de la suspension indépendante et de l'amortisseur pneumatique » devrait dés lors apparaître en série d'ici 5 ans. Bose n'a pas indiqué le coût de ses recherches et du dispositif mais les spécialistes s'accordent pour un surcoût de 2000 $, ce qui correspond à du haut de gamme. LES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIES VERS D'AUTRES SECTEURS Berlines et 4 X4 sont de toute évidence les premiers véhicules qui pourraient être équipés de tels dispositifs. Les réductions de coût de la série doivent permettre à terme de passer cette technologie vers des gammes moins prestigieuses. A noter que la fiabilité et la capacité à fonctionner en mode dégradé seront certainement un facteur limitant important. En effet on imagine mal un véhicule prenant subitement du dévers en virage à la suite d'une panne d'effecteur. Un incident récent en Europe sur un véhicule dont le conducteur a perdu le contrôle est là pour rappeler que les pouvoirs publiques pourraient bien prendre des dispositions d'homologation drastiques pour les dispositifs actifs. Au titre des applications possibles rappelons que le très bon comportement basse fréquence du dispositif doit permettre une utilisation sur les sièges et les cabines des machines de chantier permettant un contrôle des dévers et une réduction des vibration tout en assurant un amortissement actif des inégalités de terrain. De telles applications, pour lesquelles le dispositif serait moins sollicité que dans le cas d'une suspension de véhicule et dont l'intégrité de fonctionnement pose peut être moins de problèmes, devrait pouvoir apparaître rapidement. Aucune intention de Bose dans ce sens n'est toutefois déclarée pour le moment et en marge de la voie automobile les candidats potentiels feraient bien de se déclarer rapidement. CONCLUSIONS Au moment où de nombreux auteurs ainsi que le milieu automobile dans son ensemble s'accordaient à ne jamais voir commercialisé une suspension active, la démonstration de Bose fait figure d'événement majeur. Les autres constructeurs ont-ils pris la mesure de cette nouveauté ou étaient-ils malgré leurs dires en train de travailler sur ce même concept ? Force est de constater que dans un domaine où 750 brevets concernant les suspensions ont été déposés au cours des deux dernières années, Renault (12/2003) puis BMW (8/2004) ont récemment déposé un brevet dans le domaine des suspensions actives. De même avec 259 brevets déposés au cours de la même période sur le moteur linéaire, qui effectue là un retour en force, il est raisonnable de penser que le domaine des effecteurs basés sur cette technologie est en pleine effervescence. Aussi il est probable que si Bose arrive à un accord avec un constructeur d'autres groupes automobiles lui emboîteront le pas. Les suspensions actives qui au départ pourraient ne concerner que le haut de gamme devraient alors pouvoir inonder le marché du bas de gamme sur la base des réductions de coût qui résulterait de l'effet de série. Point stratégique cependant, au delà du coût il est clair que l'intégrité des suspensions actives et leur capacité à travailler en mode dégradé déterminera leur applicabilité. D'un point de vue technologique il convient cependant de considérer que le saut technologique apporté par Bose semble se situer dans l'amplification de puissance et que sur ce point l'entreprise d'acoustique américaine risque bien de conserver une longueur d'avance. Enfin il faut observer que c'est ce dispositif qui semble limiter le spectre en fréquence et confine pour l'instant cette technologie au domaine de l'amortissement et du filtrage basse fréquence. D'intéressantes applications doivent pouvoir être faites dans les cabines et les sièges des véhicules de chantier. Références : - site Internet http://www.bose.com - Annexe : Limites du BBS (calculs), B. Villeret, réalisé pour le Cetim, 16.11.2004 Note rédigée par Bertrand Villeret (Michel Goyhenetche Consultants).