Engrenages plastiques moulés par injection : règles de conception et de moulage

Créé le : 03/08/2009

1. Introduction
Lors de la conception d'un engrenage, les paramètres que l'on cherche à optimiser sont principalement la durée de vie et le niveau de bruit en fonctionnement.
Le bruit dépend essentiellement de la géométrie de la denture et de sa précision.
La durée de vie dépend essentiellement du chargement, du matériau, de la lubrification, de la géométrie et de sa précision.
L'objet de cette note est de faire une synthèse des règles de conception des engrenages plastiques moulés par injection.
2. Règles de conception de la roue dentée
2.1. Le profil des dents
Dans le cas des engrenages moulés, on peut s'affranchir des contraintes imposées par les outils de taillage standards et du mode de génération réalisant habituellement les dentures..
Il est donc possible d'apporter des corrections sur le profil des dents, par rapport au profil théorique généré par taillage avec des outils standards.
Les modifications de profil décrites ci-dessous contribuent essentiellement à améliorer la durée de vie et le bruit en fonctionnement.
2.1.1. Plein rayon en pied de dent
Pour les engrenages plastiques moulés, il faut adopter le plein rayon en pied de dent, de manière à avoir la concentration de contraintes la plus faible possible, dans le but d'améliorer la tenue en rupture.
Mais attention, le rayon de raccordement ne doit pas empiéter sur la partie active de la développante (celle-ci doit être conservée jusqu'au rayon actif de pied).
Sinon il y a engrènement sur le profil de raccordement et ceci génère du bruit.
2.1.2. Correction de profil en tête de dent
Lorsqu'une dent fléchit sous l'effet de la charge, ceci peut générer une interférence au niveau des dents adjacentes (voir figure -1-).
Ceci génère à la fois du bruit et de l'usure.
Ce phénomène se produit souvent dans le cas des engrenages plastiques transmettant de la puisssance.
Figure -1- (source : Henriot [5])
Pour compenser cette flexion, il faut effectuer une légère dépouille au sommet des dents de l'organe mené (ici la roue 2) (voir figure -2-).
La profondeur de la correction de profil t doit être suffisante pour éviter l'interférence due aux déflexions des dents.

Figure -2- Figure -3- (source : Henriot [5])
La hauteur de la dépouille x doit être déterminée de façon à ne pas réduire la longueur de conduite.
Si la dépouille est trop longue, il y a un risque d'empiéter sur la partie de développante où l'on a deux paires de dents en contact (voir figure -3- – partie comprise entre a et c sur les profils ou entre V et W sur la ligne d'action).
Dans ce cas, sous faible charge, la longueur de conduite est réduite et le bruit augmente.
La hauteur de dépouille ne doit donc pas dépasser la mi-distance avec le point de plus haut contact unique (mi-distance entre b et a).
2.1.3. Le système PGT
Plastics Gearing Technology [9] a défini une série de 4 crémaillères génératrices à 20° conçues pour définir les profils des dentures en matière plastique, et tenir compte des modifications particulières qui ont été présentées ci-dessus (plein rayon en pied de dent et dépouille de profil en tête de dent).
La figure -4- présente la forme PGT-1, conçue plutôt pour les applications de transmission de puissance. C'est la forme la plus trapue.
Les formes PGT-2 à PGT-4 ont des hauteurs de dent croissantes et des rayons de racoordement en pied décroissants. Elles sont conçues pour des applications de précision croissante et de moindre résistance.
Le tableau 1 regroupe les caractéristiques des différentes crémaillères de taillage du système PGT.
Figure -4- (source : LNP [1])
saillie a / m creux b / m arrondi en pied rf / m creux actif h / m hauteur de dépouille / m rayon de dépouille R / m
PGT-1 1 1.33 0.43 1.0469 0.5 4
PGT-2 1.15 1.48 0.352 1.248 0.5 4
PGT-3 1.25 1.58 0.3 1.38 0.5 4
PGT-4 1.35 1.68 0.248 1.52 0.5 4
Tableau 1 – Caractéristiques de crémaillères PGT
2.2. La forme générale de la roue dentée
Certaines précautions doivent être prises dans la conception des formes des roues dentées moulées pour en garantir une bonne précision et donc un bon fonctionnement.
2.2.1. Nervure
Pour les dentures moulées, il est préférable que la nervure soit centrée sur la largeur de la jante, sinon elle risque de provoquer des déformations du corps de roue, ce qui entraîne des défauts de portée lors de l'engrènement (voir figure -5-)
Figure -5- (source Krause [8])
2.2.2. Bossages
La forme des bossages est importante.
Si un bossage est massif et situé en face d'un creux de dent (voir figure -6- à gauche), il va provoquer, lors du retrait, une déformation des dents adjacentes.
Il vaut mieux adopter une forme de bossage telle que représentée sur la figure à droite (avec un attachement réduit à la jante), et positionner ce bossage face à une dent.
Figure -6-(source : Chalkley [4])
D'autre part, il est préférable de répartir les bossages symétriquement sur le pourtour de la roue dentée.
3. Règles de conception du moule
Si le comportement au retrait d'un matériau est bien maîtrisé, il est possible de fabriquer un moule conduisant à une roue dentée précise.
3.1. Caractéristiques de retrait des matériaux
Typiquement, les résines thermoplastiques cristallines (polyamide, polyacetal) ont des valeurs de retrait plus importantes que les matériaux amorphes (polycarbonates, polysulfones, ABS).
Les résines amorphes ont des caractéristiques de retrait plus isotropes que les résines cristallines : les matériaux amorphes sont moins sensibles au défaut de faux-rond.
3.2. Correction du moule pour prendre en compte le retrait
Lors du refroidissement du moule, la roue dentée se retire, mais pas de façon isotrope.
Ce retrait provoque à la fois une diminution du module de la denture, et une augmentation de l'angle de pression (le profil a tendance à se "coucher") – Voir figure -7- .

Figure -7- (source : Basile [2])
Pour contrer ce phénomène, il faut concevoir un moule ayant un module plus grand et un angle de pression plus petit que ceux de la denture que l'on veut obtenir.
Les corrections à apporter pour la conception du moule sont les suivantes (selon Adams [3]) :

avec :
m : module souhaité a : angle de pression souhaité
mc : module corrigé ac : angle de pression corrigé
s : Coefficient de retrait du matériau
Joisten [7] propose, pour les matériaux avec retrait important, d'apporter une correction du coefficient de déport plutôt que du module :
4. Les paramètres d'injection (selon Braunger [6])
4.1. Température de la matière fondue
Des variations de la température de la matière fondue aux alentours des températures habituelles n'ont qu'une faible influence sur les dimensions de la pièce moulée.
Avec des températures trop basses, il peut y avoir un mauvais remplissage du moule.
Avec des températures trop hautes, il y a le danger d'un endommagement thermique du matériau.
4.2. Température du moule
Elle a une très grande influence sur le retrait de la pièce moulée.
Le retrait est plus important avec une température de moule faible, qu'avec une température de moule élevée.
Les températures de moule habituelles pour le Polyacétal et le Polyamide se situent entre 60°C et 120°C.
4.3. Vitesse d'injection
Elle a l'influence la plus élevée sur l'orientation et la cristallisation de la matière moulée.
L'importance du retrait en dépend fortement.
4.4. Durée de maintient sous pression
La durée de maintient sous pression est la durée d'injection ajoutée à la durée de maintient sous pression elle-même.
Il existe un temps de maintient sous pression pour lequel le retrait de moulage est minimal et constant et pour lequel la masse de la pièce est la plus élevée.
Certains tentent de montrer qu'il existe une relation mathématique entre la précision de la pièce moulée et les paramètres d'injection.
Cependant, actuellement ce n'est que grâce à son savoir-faire et à son expérience que le mouleur déterminera les paramètres d'injection permettant d'obtenir, pour un moule donné, une pièce optimale.
4.5. Amélioration des conditions de moulage grâce à l'examen de structure
L'examen de structures des matériaux plastiques peut donner des indications sur les paramètres de fabrication qui n'étaient pas optimisés durant la fabrication.
Il se fera par l'examen de lames minces de 0.01 à 0.03 mm d'épaisseur au microscope à lumière polarisée.
Il est particulièrement efficace pour les plastiques semi-cristallins.
La cristallisation des plastiques semi-cristallins dépend essentiellement de la vitesse de refroidissement.
La zone cristallisée est plus épaisse si le refroidissement est lent.
Du fait de la différence de vitesse de refroidissement sur les bords de la denture et au milieu, on obtient des zones de cristallinité différente.
Lors d'une solidification trop rapide, le processus de cristallisation est seulement interrompu et peut reprendre lors d'une élévation de température importante de la pièce (recuit).
Cependant, ceci s'accompagne d'un retrait supplémentaire.
C'est pourquoi on cherche à obtenir, pour le Polyacétal et aussi pour le Polyamide une structure cristalline fine et homogène.
On obtient ce résultat en général avec une température de moule et une pression d'injection élevées.

Figure -8- (source Braunger [6]) Figure -9- (source Braunger [6])
On peut voir figure -8- l'examen de la structure d'une denture en POM (matériau semi-cristallin), injecté à une température de 190°C, avec une température du moule de 100°C.
On observe, schématisé sur la figure -9-, les différentes structures :
A : cristallisation fine
B : zone intermédiaire avec orientation de la structure
C : noyau avec structure non orientée
a: couche superficielle (peau)
5. Références
[1] LNP, A guide to Plastic Gearing, 1996
[2] S. Basile, Plastic gear design : doing it right, Power Transmission Design, 1993, p.33-35
[3] Adams, C.E.,Plastics Gearing, 1986
[4] R M Chalkley, Injection moulded gears - Material, design and economics, Chartered Mechanical Engineer, juin 1981, p. 43-48
[5] G. Henriot, Traité théorique et pratique des engrenages, Tome I, 1989
[6] H.P. Braunger, Sind die Herstellbedingungen von spritzgegossenen Zahnrädern shon optimal ?, MaschinenMarkt, Vol. 86, N.26, mars 1980, p. 471-474
[7] S. Joisten, Herstellung von Kunststoff-Zahnrädern durch Spritzgiessen, PlastVerarbeiter, OL 26, N.11, 1975, p. 627-632
[8] W. Krause, R. Klotzsche, Konstruktive Gestaltung von Plastzahnrädern, FeingeräteTechnik, vol. 33, N. 2, 1984, p. 54-56
[9] McKinlay, A system for involute spur and helical gears molded of the plastics, Plastic Gearing Technology, 1976